Lumière, symbole et recréation à partir des livres d'Heures manuscrits conservés à Montréal



Les quatorze images de cette page sont le résultat d’un travail en théorie et pratique des arts autour des techniques des enlumineurs et des imaginaires présents dans les livres d'Heures manuscrits du XVe siècle qui sont conservés dans les bibliothèques publiques de la ville de Montréal. Cette recherche comprend une pratique de recréation et d’actualisation picturale d’une série de scènes bibliques choisies à partir de ces ouvrages. La recréation d’une imagerie chrétienne, peinte dans le contexte de la ville de Montréal d’aujourd’hui, cherche à enrichir la réflexion sur l'identification individuelle et collective avec des images historiques et contemporaines qui relèvent du surnaturel et du merveilleux. Ce travail pratique guide également une étude phénoménologique et iconographique sur la représentation symbolique du divin en images qui font référence à la vie contemporaine de Montréal.

L'Annonce aux bergers


L'Annonce aux berger, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.

La scène de l'Annonce aux bergers du livre d'Heures de Pellegrin de Remicourt est transposée dans une esplanade avec pelouse face au parc Jean Drapeau de Montréal. On repère, ainsi, de l'autre côté du fleuve Saint-Laurent, la Biosphère et la sculpture « L'Homme » d'Alexandre Calder, œuvre commandée par la ville pour l'exposition universelle de 1967.
Dans cette interprétation de l'épisode biblique, les pasteurs s'expriment en tant que groupe de musique contemporaine. En effet, lorsque l'ange apparaît pour annoncer la bonne nouvelle, ils sont en train de répéter pour un concert à donner au Festival de Jazz de Montréal. Il s'agit d'un événement populaire, du début du XXIe siècle, avec des estrades placées dans différents lieux publics de la ville.
C'est grâce au développement de la société que ces bergers ont aujourd'hui un peu plus de temps libre pour le consacrer à des spectacles de musique qu’à l’époque où ils jouaient de la cornemuse entre eux seulement. D'ailleurs, le fait que les bergers soient aussi des musiciens modernes suggère que cette annonce pourrait survenir même chez des gens qui n’ont pas particulièrement un tempérament pieux. En outre, il semble crédible que les pasteurs ne s'attendent pas à une telle révélation, c'est pourquoi le bassiste, assis au centre de l'image, a été pris au dépourvu et se montre intéressé, mais dubitatif. Peut-être est-il sceptique devant le regard de l'ange joyeux venant donner la bonne nouvelle?
Pour sa part, le guitariste, à droite, fait une grimace, comme si dans les temps difficiles qui courent, l'apparition de l'ange était inappropriée, mais nécessaire. Les autres personnages de la scène n'ont pas été frappés encore par le message, de sorte que le batteur, le chanteur et la jeune bergère continuent d'être absorbés par leurs activités. Dans cette ambiance, le chien, qui autrefois accompagnait la jeune fille, est remplacé par un raton laveur, animal sympathique de la faune locale.

L'Annonciation à la Vierge


L'Annonciation à la Vierge, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, 2010-2011.

D’après l'Annonciation à la Vierge du livre d'Heures de Pellegrin de Remicourt, cette image représente l'annonce du mystère de l'incarnation et la rénovation du message de l'éternité dans le présent. L'élaboration de cette peinture a permis de revisiter le travail de l'atelier de l'Échevinage de Rouen afin d'interpréter, à Montréal, l'image de l’arrivée de la bonne nouvelle pour l'humanité.

En accord avec l'enluminure conservée dans la ville, dans un intérieur urbain, nous assistons à l'instant où l'Archange Gabriel, bénissant la Vierge d'une main, s'incline en face d'elle. Gabriel apparaît ici avec un air candide et aussi curieux. Il a des ailes flamboyantes qui se trouvent en consonance avec les couleurs de son chandail moderne et de sa chemisette à rayures. Il porte aussi un blue-jean et des baskets verdâtres, car il est encore jeune : en tant qu'être immortel, son visage et sa coiffure sont les mêmes que cinq siècles auparavant. Le style informel de l'envoyé de Dieu, avec les oreilles couvertes par ses cheveux, rappelle aussi l'apparence d'un jeune rebelle de notre époque. En effet, il semble disposé à tout pour accomplir sa tâche dans le monde. C'est pourquoi, il déroule, de sa main droite, le phylactère sur lequel on lit quelques mots de la salutation angélique : «Ave Maria, gracia plena, dominus ...».

A gauche, la sainte mère de Dieu est debout, les mains jointes, et elle est réceptive au message. Marie est habillée avec son manteau bleu traditionnel qui couvre des habits plus modernes. Un ordinateur remplace le livre sacré lu par la Vierge. Bien que Marie soit intéressée par l'écran, le message du Saint-Esprit est beaucoup plus prégnant que ceux des courriels.
De l'Annonciation à la Vierge de Pellegrin de Remicourt, la composition conserve la représentation du Saint-Esprit symbolisé par une colombe, ainsi que les deux chérubins flottant au-dessus de l'architecture, dans la partie supérieure de l'image.
Au fond de la scène, une fenêtre s'ouvre vers un paysage fluvial traversé par le pont Jacques-Cartier de Montréal. Le pont est ici symbole d'intégration du passé dans le présent, du temps cosmique de la maternité divine dans l'actualité locale.

Saint Jean à Patmos


Saint Jean à Patmos, acrylique sur bois,25 x 20 cm, 2010-2011.

Pendant le rude hiver québécois, un lieu de recueillement près de l'île de Montréal offre un espace convenable pour le séjour de saint Jean dans la région. Derrière l'évangéliste, on distingue ainsi une auberge canadienne, où il passe les nuits, à côté d'une petite butte de sillons utilisés pour les glissades sur la neige. Connue par les gens du pays, la glissade amuse beaucoup les enfants et les adeptes de plein air.
Ce matin, saint Jean vient de sortir à la recherche de l'inspiration divine. Bien qu'un ours polaire soit descendu de l'arctique et s'approche pour le saluer, l'évangéliste est concentré sur son travail de scribe. A ce point-ci, on pourrait se demander quel passage des écritures le saint rédige dans l’instant fixé par l'image.
La réponse est fournie par le travail de recréation artistique de la miniature de saint Jean à Patmos du livre d'Heures ms.154 conservé à l'Université McGill. En effet, l'évangéliste est en train de consigner le chapitre 13 de l'Apocalypse. À ce moment-là, il lève le visage, l'oreille pointue et attentive, et s'empresse d'écrire :

« Alors je vis surgir de la mer une Bête ayant sept têtes et dix cornes, sur ses cornes dix diadèmes et sur ses têtes des titres blasphématoires. La Bête que je vis ressemblait à une panthère, avec les pattes comme celles d'un ours et la gueule comme une gueule de lion ; et le Dragon lui transmit sa puissance et son trône et un pouvoir immense. L’une de ses têtes paraissait blessée à mort, mais sa plaie mortelle fut guérie… »

En haut à gauche, on voit ainsi le monstre de sa vision qui apparaît comme une sculpture en pierre, prenant vie sur la façade gothique d’une église. Sur la même construction, plus bas, un autre démon attrape Ève par la ceinture.
En contrepoint du péril imminent des sculptures vivantes et diaboliques, l'architecture sacrée a une fonction protectrice et symbolique : saint Jean apparaît entouré par l'église qui est l'endroit unificateur de la communauté religieuse.

La fuite en Égypte


La fuite en Égypte, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.

Dans l’évangile de Matthieu (2,13) se trouve le récit qui raconte la visite reçue par Joseph - pendant son sommeil - de la part d'un ange qui le met en garde : lui et sa famille doivent fuir en Égypte. En effet, le roi Hérode recherche à tout prix l'enfant pour le tuer, car il a appris que des mages d’Orient sont venus adorer un nouveau-né considéré comme le roi des Juifs.
Nous voyons ainsi, sur cette image, la Sainte Famille à l'entrée de l'aéroport Montréal-Trudeau, prête à quitter le pays à destination du Caire. Joseph a les billets d'avion et les passeports dans la main et, derrière lui, la Vierge tenant l'Enfant le suivent sur le dos d'un âne.
Dans l’arrière-scène de cette interprétation de la miniature originale, tirée du livre d'Heures de Pellegrin de Remicourt, subsistent deux autres personnages. Sur le trottoir, un soldat et un semeur font référence à deux récits de l'Évangile selon Matthieu.
En effet, le soldat romain renforce la scène de la fuite de la famille au premier plan de l'image. Ce centurion fait partie du déploiement d'hommes armés qui ont perpétré le massacre des Saints Innocents (Matthieu 2,16-18). On voit ainsi qu'il lève son épée pour obéir à l'ordre de capturer et de tuer l'enfant d'une femme. Celle-ci, pour sa part, essaie de s'enfuir en grimpant dans un bus de la STM (Société de Transport de Montréal).
Derrière le soldat, le semeur semble également vouloir prendre le car. Il vient tout juste d'arriver dans cette ville; c'est peut-être un nouvel arrivant à la recherche d'un terrain approprié pour ses plantations (Matthieu 13,1-23). Cette semence symbolise la parole de Dieu. Selon l'évangile, un tel grain ne peut germer que dans un sol propice.
Sur l'image, la vue de l'entrée de l'aéroport est bordée par de la pierre de couleur bleue, taillée en forme de frise et de rosaces. L'aéroport semble fusionner ainsi avec une cathédrale : dans les deux cas, il s'agit d'un lieu ouvert au public évoquant un passage vers un autre monde.

Saint Jean à Patmos


Saint Jean à Patmos, acrylique sur papier, 25 x 20 cm, 2010-2011.

Tel qu'il est indiqué dans l'Apocalypse (chap. 13), un monstre à plusieurs têtes émerge des eaux profondes de l'océan. La recréation des versets bibliques sur cette image laisse croire que le démon a nagé depuis l'Atlantique, a atteint le Canada et suivi le parcours du fleuve Saint-Laurent. C’est pourquoi il habite maintenant dans les environs du Vieux-Port de Montréal. Sur l’image, on aperçoit ainsi un des endroits où il peut nous surprendre : c'est le quai avec quelques bateaux à l’arrière-plan et la tour de l'horloge construite entre 1921 et 1922.
Pourtant, on n'a pas à s'inquiéter malgré la proximité du démon. L'enluminure permet de voir qu'au fil du temps, le monstre semble domestiqué et a su s'adapter à l'actualité culturelle de la ville. On l'aperçoit dans le détail : il a laissé de côté ses diadèmes désuets et porte maintenant, sur sa tête principale, une casquette de l'équipe de hockey la plus reconnue de Montréal. À ce moment-ci, il est important d’indiquer que le fait d’avoir uniquement une casquette ne veut pas dire que le démon dédaigne utiliser celles d'autres équipes de la ville. C'est plutôt que huit casquettes de qualité seraient très coûteuses.
Voyons un autre aspect de l’image : le démon semble hilare et on dirait que la vision terrifiante de saint Jean a cédé la place, aujourd'hui, à une compréhension plus joyeuse des hommes face au diable et même de celui-ci à leur égard. Toutefois, le péril du mal subsiste. Saint Jean le sait et on le voit fermer à demi l'œil gauche pour mieux discerner l’être démoniaque pendant qu'il prend ses notes. A côté de l'évangéliste se trouve son symbole, l’aigle, mais en fait, il s’agit ici d’un pygargue à tête blanche qui est une espèce de rapace américain.
Ce tableau, en perspective, se présente comme un retable peint et placé dans une église. Au premier plan, sur un socle, se dresse un huart à collier, oiseau qui habite sur la côte atlantique du Canada.

La Présentation au temple


La Présentation au temple, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.

Après le long enfermement de l'hiver, la température commence à monter plutôt que d’habitude. Les conditions climatiques favorables font qu’une promenade bucolique dans la périphérie de la ville s'avère envisageable. Pour certains promeneurs urbains, qui ont perdu l'habitude de s'approcher de la nature, une excursion à travers les champs ensoleillés est parfois propice à des visions surnaturelles dans l'atmosphère.
La promenade que nous entreprenons ainsi, à travers les arbres, nous conduit à un espace de recueillement. Nous sommes maintenant à l'intérieur du temple de la Jérusalem céleste. Et nous sommes arrivés à temps : au moment où la Sainte Famille avance vers l'autel afin que l'Enfant soit présenté à Dieu.
Un évêque s'approche aussitôt des arrivants pour les recevoir. Il a une longue barbe et il porte des habits d'or et une mitre brodée. La famille est suivie d'un jeune acolyte aux mains jointes qui a l’air très recueilli.
Le décor du temple s'ouvre vers un fond lumineux et idyllique permettant d'entrevoir la ville de Montréal derrière le fleuve Saint-Laurent. La chaleur que l’on perçoit dans l'ambiance est particulière, car la fête de la Présentation au Temple est usuellement célébrée le 2 février, alors que la température au Québec est encore très basse.
Toutefois, la lumière rougeâtre de la scène pourrait symboliser la chaleur de la célébration populairement connue comme celle de la fête de la Chandeleur ou Fête des Chandelles. C'est une tradition d’antan, qui perdure encore aujourd'hui, de manger des crêpes à l'occasion de cette fête.
Dans la marge de l'image, on observe finalement quelques églises de la ville de Montréal, évoquant les sculptures en pierre taillée qui ornent les cathédrales gothiques. À gauche, de haut en bas, nous pouvons repérer ainsi : la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, l`église Sainte-Madeleine et l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus. À droite, également de haut en bas, on trouve l'église Unie St. James, l'église Saint-Sauveur et l'église Saint-Édouard.

La Résurrection des morts et le jugement dernier


La Résurrection des morts et le jugement dernier, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.

À la fin des temps viendra le jour de la résurrection des morts. Selon les Écritures, cet événement dernier, que l'on a toujours pensé lointain, est finalement arrivé, aujourd'hui, au milieu d'une journée où les gens se déplacent dans leurs activités quotidiennes, au centre-ville.
L'image montre Jésus-Christ, hissé à l'intérieur d'une station de métro sur un arc-en-ciel, émergeant depuis les sombres profondeurs du monde. On observe, également, quelques morts des générations anciennes qui sortent de la terre et atteignent les tunnels du métro. La scène s’avère inquiétante parce que les premiers ressuscités semblent être dans un état de choc par le retour à la vie dorénavant éternelle.
La composition montre au premier plan une femme et un homme, Marie et Jean-Baptiste, des deux côtés de l'image, agenouillés et de dos. Ils venaient de terminer leur journée de travail et rentraient à leur foyer lorsqu'ils voient apparaître le Christ, et tombent à genoux devant lui, car leur rôle est d’intercéder pour le salut des pécheurs.
De l'autre côté de la station, le métro est en train de s'arrêter et laisse vaguement apercevoir des personnes prêtes à descendre sur le quai. Ces gens ne sont pas encore conscients de l'événement, mais ils vont bientôt écouter les trompettes des deux anges qui volent au-dessus de la station.

Le roi David et son harpe

Le roi David et son harpe, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.

Avec une barbe rouge, un bonnet, une écharpe, une cape et une harpe à ses pieds, l'homme sur l'image ressemble à un sans-abri de Montréal. Cependant, dans ce regard éclairé par la foi, on découvre qu'il s'agit, en vérité, du roi David agenouillé pour prier Dieu en signe de pénitence.
David est représenté ici prosterné sur un des bancs verts de la ville, ce qui constitue une attitude inhabituelle, pouvant être comprise comme faisant partie d'une sorte de performance artistique.
Il est clair que cette action plastique et spirituelle peut surprendre et faire réfléchir les passants car, des nos jours, la religiosité ne s’affiche guère dans l'espace public.
À l'arrière-plan, on observe un monument architectural des années soixante, très représentatif de Montréal. C'est Habitat 67, une série longue et variée de blocs modulaires conçus par l'architecte israélien Moshe Safdie. Par sa couleur et sa forme, cette construction modulaire, bâtie sur le quai Marc-Drouin, pourrait aujourd'hui évoquer les maisons de Jérusalem des temps bibliques.
Si l'image conserve l'agencement des éléments de l'œuvre originale, l'accent est mis sur la tonalité mélancolique de la scène.
Sur la bordure, parmi quelques fleurs et arabesques, il y a, mis en évidence, un mille-pattes, insecte qui peut éventuellement être aperçu sur les murs gris des maisons de la ville. Toutefois, malgré son aspect désagréable, il est inoffensif.

La Visitation

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La Visitation, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.
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Selon l'Évangile de Luc, la Visitation a lieu à l'intérieur de la maison de Zacharie. Pourtant, cette rencontre est présentée ici dans un espace ouvert, afin de suivre l'idée de l'enlumineur de ce livre d'Heures exécuté dans le style ganto-brugeois.
En accord avec la représentation de référence, nous voyons la vierge Marie à gauche et Elisabeth à droite, au milieu d'un paysage traversé par un chemin. Marie est représentée saluant sa cousine avec les bras ouverts et Elisabeth est également sur le point d'embrasser la Vierge, tout en touchant légèrement son ventre d'une main. C'est un moment important de reconnaissance entre les futures mères du prophète Jean-Baptiste et de Jésus-Christ.
Entourée des mouettes en errance sur la route cyclable du boulevard La Salle, la Vierge apparaît ici comme une jeune femme avec un voile couvrant ses cheveux. À l'évidence, elle arrive d'un pays du Moyen-Orient. Par contre, Elisabeth, plus âgée que sa cousine, habite au Canada. Sa coiffure et ses vêtements lui confèrent un air jeune.
Dans cette interprétation du thème de la Visitation, à droite de l’image, nous voyons quelques maisons modernes. On a substitué aux maisons flamandes de la Renaissance, de l'enluminure d'origine, des logements carrés à deux étages, parmi lesquels se détache un immeuble en briques foncées. C'est une construction fréquente dans certains quartiers de Montréal.
À gauche de l'image, on voit le fleuve Saint-Laurent avec quelques bâtiments sur l'une de ses îles. Cette présence de l'île sur l'image évoque la scène de la Visitation, tiré du Livre d'Heures, ms. 9, peint par un enlumineur du Hainaut, manuscrit conservé aux Archives des Jésuites au Canada. Dans ce manuscrit, il y a une délicate représentation d’une rivière avec de nombreux îlots au loin.
Pour finir, on observe, sur la bordure, une décoration avec une séquence de fleurs de lys et en bas, au centre, deux anges tiennent l'écu de la ville de Montréal avec ses symboles.

La Nativité


La Nativité, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.

La naissance de l’enfant Jésus a eu lieu dans l’entrée d’une petite ruelle d'un quartier de Montréal. La crèche, à gauche de l’image, avec Marie debout, Joseph agenouillé et le nouveau-né couché sur le manteau bleu de la Vierge coïncide avec l’enluminure d’origine. L’âne et le bœuf sont aussi à l’abri dans cette crèche en bois installée contre une maison dont on voit à peine un mur en béton et la partie basse d’un balcon. Il est certain que Marie et Joseph, une fois arrivés en ville et pressés par l’enfantement, ont dû chercher à séjourner dans un logement proche. L’Evangile selon Saint Luc (2, 6-7) l’indique ainsi : « Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva ; elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes ».
Sur l’image, quelques jardins intérieurs sont visibles des deux côtés de la rue. On aperçoit, derrière la mangeoire, un poteau noir avec des indications routières et des fragments d’une publicité collée. Plus loin, dans le ciel, on voit des fils électriques. D’ailleurs, les chemisettes accrochées à une corde de séchage ainsi que la végétation et les fleurs font penser que la Nativité a eu lieu pendant la période chaude de l’année comme si on était à Bethléem.
Mais il est important d’indiquer à ce point-ci que dans, les évangiles, on ne trouve pas spécifiée la période de l’année où la Nativité a eu lieu. Bien que par tradition, on célèbre la fête de la naissance de Jésus le 24 décembre, certainement, il serait cruel de représenter la famille avec l’enfant nu dans une rue de Montréal au milieu de la neige. Il est ainsi plus prudent de suivre la tradition des livres d’Heures flamands du XVe siècle, qui représentent la crèche généralement entourée de beaux paysages d’été.

Le massacre des saints Innocents


Le massacre des saints Innocents, acrylique sur papier, 17 x 12 cm, 2010-2011.

Bien que le massacre des Innocents ait eu lieu à Bethléem, l'enlumineur du livre d'Heures ms. 109 conservé à l'Université McGill a placé cette tragédie dans la rue d’une ville européenne du XVe siècle. En effet, à la fin du Moyen Âge, il était courant de représenter les faits bibliques comme s’ils s'étaient passés dans l’entourage urbain et immédiat des artistes.
Reprenons maintenant cette pratique pour faire entrer le récit sacré dans notre cosmos habituel : dans une ruelle d’un quartier populaire de Montréal, les soldats du roi Hérode viennent de tuer les enfants de moins de deux ans.
Cette scène conserve, au premier plan, la figure principale de l’image d’origine. Il s'agit d'une mère s'arrachant les cheveux, terrifiée par la barbarie à la vue de son fils mort et jeté par terre. À droite, une autre femme est assise sur le porche d’un immeuble et pleure avec son enfant entre les bras. On voit aussi d'autres petits emmaillotés et inertes sur le trottoir.
Plus loin, quelques figures indifférentes aux événements, comme dans l'image d'origine, se promènent devant des constructions en brique. Dans la partie basse d'une des maisons, on distingue un « dépanneur » ou petit magasin de quartier, servant à trouver des aliments frais à tout moment.
La bordure de cette image représente des animaux bien connus, comme le castor et l'écureuil. Nous pouvons observer aussi une mouche appelée Syrphidé ou Syrphe, qui peut souvent être vue dans les beaux parcs de Montréal. L'image montre, également, quelques fleurs pouvant se trouver dans les jardins de la ville, comme l'anémone du Canada, l'orchidée papillon Phalaenopsis ou encore une fleur de joubarbe. Quant au crâne sur la bordure, sa présence s'explique d'elle-même.

La Vierge et l’enfant


La Verge et l’enfant, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, acrylique sur bois.

Au milieu de cette composition, la Vierge Marie, assise sur les marches de l’entrée d’une maison de Montréal, tient contre elle l’enfant Jésus pour l’allaiter. Le regard de la mère célestielle dirigé vers l’enfant est empreint de tendresse et de douceur tandis que l’enfant regarde sa mère avec candeur et confiance.
L’image présente de nombreux jouets répandus dans la cour extérieure de l’immeuble. Des peluches souriantes en forme d’ours et des chiens ressortent d’une boîte bariolée. Quelques outils de jardinage en plastique sont aussi visibles, tout comme un jouet qui ressemble à un gros champignon et une tondeuse à gazon. À droite de l’image, une balançoire rouge pour les petits est accrochée à un arbre à l’aide de cordes jaunes.
Est-ce que ces jouets ont été offerts par les voisins à l’enfant Jésus ? Cela est vraisemblable, mais les anges dissimulés des deux côtés de l’escalier dans l’entrée de la résidence pourraient aussi avoir amené ces cadeaux.
Or, il est aussi certain que, tout au long de l’année, sur les trottoirs de Montréal, on aperçoit des objets mis à la disposition des passants. Des électroménagers, des vêtements, des jouets et des livres avec de vieilles illustrations colorées sont sortis des domiciles, de temps en temps, en raison d’un manque de place, d’un remplacement ou d’un déménagement.
Que signifie cette référence au monde des objets désuets et placés sur le trottoir ?
La réponse est certainement liée à la réalité surnaturelle et cosmique de la Vierge et de l’enfant, figures qui transcendent le monde matériel symbolisé par ces jouets attrayants et mis à la disposition par notre société de consommation.
Tout en haut de l’image, on trouve ainsi le divin enfant et sa mère célestielle comme symboles du sacré et, vers le bas, on aperçoit l’espace matériel environnant, avec ces objets profanes et curieux sur le sol de l’entrée de la maison. Par conséquent, une opposition complémentaire entre le sacré des figures divines et le profane de ces jouets passagers et encore magiques apparaît sur cette scène plaisante qui semblerait se dérouler une matinée ensoleillée d’un jour de repos.

La crucifixion


La crucifixion, acrylique sur bois, 25 x 20 cm, 2010-2011.

Cette miniature traite d'un des principaux thèmes de la vie du Christ. Sur l'image, on observe le supplice de Jésus, son corps cloué et torturé sur la croix. Le Seigneur est au milieu des deux larrons, torturés et souffrants, qui vont l'accompagner, à la fin de cette nuit obscure, dans le royaume des cieux.
Au pied de la croix, un groupe de jeunes personnes se sont réunis pour assister à cet événement cosmique. Certains d'entre eux se regardent ou prient, d'autres sont affligés, méditatifs ou parlent de cette tragédie. On comprend que ce sont des gens simples, appelés par Dieu. Par leur âge et leurs habits colorés et modernes, on pourrait penser qu'ils sont des étudiants des universités ou des élèves des lycées de Montréal.
On remarque également leurs différentes origines : natifs de l'Amérique, de l'Europe, d'Afrique, de l'Extrême et du Moyen-Orient. En effet, ce groupe de personnes pourrait représenter la richesse culturelle de la ville, formée par une variété d'individus et de communautés différentes pouvant se trouver dans une quelconque ruelle de Montréal.
Cette miniature est inspirée de la scène de la Crucifixion du livre d'Heures de Pellegrin de Remicourt. C'est pourquoi, comme dans l’image de référence, on voit, à droite de la croix, les hommes et, à gauche, les femmes. La composition conserve, également, les attitudes et les positions des personnages de la scène originale. D'ailleurs, on peut noter aussi qu'un orignal remplace le cheval et qu'un agent de police essaie de contrôler la foule à la place du soldat qui porte un casque dans l’enluminure de référence.
La scène se déroule dans un parc idéalisé de l'île de Montréal, à partir duquel on peut voir, au fond, quelques bâtiments de la Place d'Armes, notamment la basilique Notre-Dame et les édifices Aldred et New York Life. Sur la rue qui traverse l'image, à l'horizontale, on repère, pour terminer, un bus scolaire jaune, typique de la ville.

La Mort attrapant une dame


La Mort attrapant une dame, acrylique sur paapier, 25 x 20 cm, 2010-2011.

Dans cette miniature, la Mort essaie de saisir une femme devant une fruiterie de quartier. Par fidélité au charnier du cimetière de l'enluminure du Livre d'Heures conservé à l'Université Concordia, on repère ici, derrière les personnages, un amas de crânes empilés sur un des étals et quelques crânes encore jetés sur le sol.
Dans cette recréation, ces ossements en plastique et les citrouilles, à gauche, se présentent comme des décorations pour la fête profane de l’Halloween du 31 octobre. Ces mêmes crânes pourraient évoquer aussi la fête des morts le 2 novembre.
Pendant la nuit de l’Halloween, des gens déguisés et extravagants se promènent dans la rue comme ce monsieur habillé comme un squelette. Voyons à ce propos que, en opposition à l'image d'origine, dans cette recréation, la femme veut se libérer de l’emprise de la figure squelettique cherchant à l’intimider. En effet, elle se presse de se défendre de la Mort qui la vise de sa lance cherchant à l’attaquer. Décidée à ne plus perdre le temps qui coule dans le parcomètre qu’elle doit payer, cette dame se défend avec la grande louche de bois qu’elle vient d’acheter.
Mais, quelles sont ses chances de gagner contre la Mort?
À vrai dire, le seul symbole sacré, oublié de tous en ce jour de l’Halloween, est celui de l'agneau de Dieu relégué tout en haut de l'auvent de la fruiterie.